La structuration d’une filière légumineuses se concrétise dans le Grand Ouest
La structuration d’une filière légumineuses se concrétise dans le Grand Ouest
Le projet de développer les cultures de légumineuses à destination de l’alimentation humaine dans le Grand Ouest entre dans sa phase de concrétisation. Le gros chantier consistera désormais à convaincre les agriculteurs, autrement dit les accompagner techniquement et leur assurer du revenu.
Depuis le lancement du projet en mai 2019, il s’en est passé des choses. L’association qui a vu le jour, Leggo (pour « Légumineuses du Grand Ouest »), rassemble aujourd’hui 46 structures de l’amont à l’aval, autour des chambres d’agriculture et de Terres Inovia, l’institut technique des protéagineux. Son périmètre qui s’étendait sur la Normandie, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire se déploie depuis le printemps jusqu’au Centre-Val-de-Loire. Les réunions en distanciel se sont multipliées pour avancer sur le projet de structuration de filière légumineuses. Le 5 juillet dernier, tous ces partenaires se sont retrouvés pour la première fois en présentiel, près du Mans (Sarthe). L’occasion de passer à la phase deux.
L’objectif initial de Leggo, c’est de produire des légumineuses pour la consommation humaine locale. « Au départ l’idée était de fournir pour la restauration collective, et puis on s’est rendu compte ensuite que les marchés étaient ailleurs, plutôt dans la grande distribution », témoigne Bernadette Loisel, technicienne de la chambre d’agriculture de Bretagne, coordinatrice de Leggo. Le marché est en pleine croissance, « les légumineuses sont à la fois bonnes pour la santé, pour la planète et pour le bien-être animal, elles sont sans gluten et sans allergènes », rappelle Sophie de Reynal, directrice marketing de l’agence Nutrimarketing. Bref, tous les voyants sont au vert.
Multiplier par quatre les hectares de légumineuses
Et pourtant, Leggo entre maintenant dans le dur, c’est-à-dire convaincre les agriculteurs de produire des légumineuses. Objectif : 20 000 hectares d’ici quelques années contre 5 000 actuellement. Avec l’institut technique Terres Inovia, une cartographie a été établie de toutes les légumineuses qu’il est possible de produire dans chacun des terroirs de ces quatre régions, en fonction des types de sol et du climat. Le soja, ce ne sera pas possible d’en produire dans le Cotentin ou en Bretagne par exemple. Dans le Sud-Sarthe, trop humide, impossible de produire de la lentille. Le pois chiche, ce sera très compliqué d’en produire dans le Finistère en raison des pluies estivales, mais le lupin, lui, pourra pousser sur toute la péninsule. En Vendée, on est très fort sur le haricot.
Produire des légumineuses, même quelques hectares seulement par exploitation, c’est parfois un peu technique, et souvent aléatoire. Cela nécessite d’allonger ses rotations, et pour certains de repenser leur système. Les chambres comptent accompagner techniquement les producteurs, elles vont mener des essais techniques, sur le fauchage de la lentille par exemple. « Aujourd’hui, on n’a pas forcément les conditions adéquates pour produire, il faut un appui au niveau de la recherche variétale », remarque Julie Rio, chargée de mission Leggo à la chambre d’agriculture de Bretagne. Les chambres s’appuieront aussi sur ce que font des agriculteurs qui ouvrent la voie.
Pascal Loyer est de ceux-là. À Cérans-Fouilletourte (Sarthe), il produit de la féverole depuis cinq ans et cela lui réussit plutôt. « Je sème assez tard, vers mi-décembre pour éviter les maladies, je fais cela à la volée après un travail profond, cette année tout s’est bien passé, j’avais 10/12 étages de gousses, une belle densité, un potentiel de 50 quintaux, c’était super ! Et puis il y a eu la tempête et cela a versé ». À Courchamps (Maine-et-Loire), Christian Blet, par ailleurs président de la Coopérative agricole du Pays-de-Loire (CAPL), produit des lentilles : « En cinq ans, je n’ai atteint qu’une seule fois mon objectif de deux tonnes, et donc au niveau rémunération on est un peu juste ».
Des contrats sécurisés sur plusieurs années
« Ce sont des cultures à risques, si on n’aide pas ceux qui les produisent, on n’y arrivera pas, appuie Jean-René Menier, président de Leggo. Pour décrocher l’acceptation du producteur à produire, il faut obtenir un consentement à payer du consommateur ». Les discussions s’amorcent entre les différents maillons de la filière, jusqu’à la distribution, autour de la question du prix. « Si on reste dans le système actuel, cela ne peut pas fonctionner, met en garde Christian Blet. Si on ne dégage pas de valeur, les organismes collecteurs et transformateurs ne pourront pas financer les investissements nécessaires ». Pour séduire le producteur, il faudra surtout un système sécurisé, c’est-à-dire une contractualisation longue durée. Or, « elle est encore peu développée en légumineuses », glisse Bernadette Loisel.
Les coopératives et transformateurs attendent beaucoup de l’émulation que peut provoquer Leggo. « La structuration de cette filière pourra nous apporter des débouchés produits et une meilleure valorisation pour nos producteurs », se dit par exemple Yannick Deuscher, responsable commercial à la Cavac, en Vendée. Sébastien Beauvallet, responsable des filières végétales à la CAPL, voit deux intérêts majeurs : « rester en veille sur certaines cultures, mais aussi nous mettre en relation avec un certain nombre d’acteurs, par exemple si un acheteur nous demande un produit précuit, nous on ne sait pas faire, grâce à Leggo on trouvera le prestataire ». Et de nouveaux débouchés s’ouvriront. « On est en train de travailler sur un logo « légumineuses de France« , s’enflamme Jean-René Menier, par ailleurs administrateur à la Fédération des oléo-protéagineux (Fop).
Source : Terre-net Média